Entrevue avec Baris Bora Kiliçbay


Comment avez-vous connu Tintin? Qu'est-ce qui fait que vous aimez le personnage et ses aventures?

J'ai connu Tintin grâce à mon père qui est francophone lui aussi; il possédait des albums de Tintin originaux en français et en couleur (c'est évident mais étant donné que les traductions pirates de Tintin parues quand j'étais petit étaient en noir et blanc, c'était une sorte de merveille pour moi). Je ne parlais pas français mais les images suffisaient a me charmer et j'essayais d'imaginer les dialogues, les situations etc. C'est pourquoi, je peux dire que maintenant j'ai deux images de Tintin; l'une est celle que j'ai créée quand j'étais enfant et l'autre est celle que j'ai eu quand j'ai commencé à parler et à lire le français. Je n'ai jamais parvenu à expliquer la magie que Tintin m'a exercée. Je ne sais pas la recette de cette quasi-perfection qui sait captiver tous les âges, tous les statuts et tous les métiers. J'aime Tintin parce que je suis tombé amoureux de lui. Et il paraît que c'est un amour pas comme les autres; un amour divin, dirait-on...

Comment devient-on le traducteur des éditions officielles de Tintin en turc?

Je ne sais pas comment ça marche pour les autres pays (une élimination, un concours etc.?) mais le mien est le résultat d'une coïncidence. J'avais un contact personnel avec le directeur de l'une des plus grandes maisons d'édition de la Turquie (qui est l'éditeur actuel de Tintin) et grâce à lui, j'ai appris qu'ils projettaient de publier les traductions des éditions officielles des Aventures de Tintin. Alors, je leur ai proposé de traduire seulement un album (ce qui était déjà un rêve pour moi car j'étais très jeune) et ils m'ont confié la série entière. Ainsi, mon aventure a commencé en 1994.

À votre avis, quelles sont les plus grandes difficultés à surmonter pour le traducteur? Le passage du français au turc pose-t-il certains problèmes particuliers?

Ce n'est pas une tâche facile de traduire Tintin. Il y a pas mal de jeux de mots, des mots d'esprit parfois propres à la langue française, etc. Les fameux jurons de Haddock me posaient souvent de graves problèmes car il fallait décider si ma traduction serait une adaptation ou une traduction fidèle. J'ai - voulant rester fidèle à Herge - partiellement adapté les jurons en gardant leur sens et j'étais souvent obligé de faire preuve d'une imagination aussi vive que celle d'Herge, mais je sais que je n'y ai pas pu parvenir. Je crois que pour faire une traduction réussie, il faut s'identifier aux personnages, comme le fait l'auteur quand il crée son album. Moi, quand je traduisais les dialogues de Tintin, je me mettais à la place de l'un et puis de l'autre et je « jouais » ma traduction à haute voix. Je riais aux drôleries et j'essayais de créer quelque chose qui réussirait à faire rire les lecteurs turcs de même. Il est impossible de traduire mot-à-mot les « malentendus » (dans le sens propre du mot) de Tournesol dus à sa surdité. Alors, il faut inventer des équivalents en turc. Ce n'est pas évident car il faut faire exactement ce qu'a fait Hergé. J'ai eu encore d'autres problèmes et difficultès moins importants mais j'espère avoir été un traducteur qui n'a pas trahi!